Cinéma

Le rêve et le sport

Projection du film ENVOL –

Daisy Lamothe – 27 minutes -1993

Après le succès en 2023 du documentaire de Daisy Lamothe sur Josette, une habitante du village, le festival propose en cette année olympique, de partager le rêve d’un sportif, qui pratique le saut à ski et rêve de combattre l’apesanteur dans ces quelques secondes de recherche de l’absolu. A partir du geste sportif qui consiste à se jeter d’un tremplin pour voler le plus longtemps possible, le film montre la dimension poétique, mythique et enfin humaine d’un sport pratiqué par quelques initiés. Le mythe d’Icare nous emporte pendant 27 minutes !

 Séance unique : Samedi à 18h

Ecurie Clément

Plus d’informations sur ENVOL

ENVOL- Daisy Lamothe-1993- 29 minutes

Réalisation et scénario : Daisy Lamothe. Image : François de La Patellière. Montage : Catherine Vilpoux. Son : Didier Saïn et Claude Val. Musique originale : Benjamin Britten. Production : Valprod.

Ce film a été diffusé sur Canal+ en1993. A la suite de la numérisation de la copie 35mm en 2020, il est ressorti sur des plateformes de diffusion, filmoTV, La Cinétek, Tënk, d’où des critiques récentes.

JEROME DESCAMP, cinéaste, directeur artistique de la Pellicule ensorcelée, Président de l’Agence du court-métrage, extrait catalogue 2023

Jamais on ne m’avait parlé comme cela du sport, de ce sport. Jamais on ne m’avait montré avec autant de beauté la recherche du geste ultime pour tendre vers l’infini. Bien sûr, les images magnifiques de sport nous environnent, mais elles sont dévoyées par des commentaires enflés et un montage syncopé qui ne nous fait pas prendre conscience des enjeux réels du dépassement. Ici, le dépouillement fait force, une image est une image, elle a son sens, son expressivité, un visage est filmé comme le plus beau du monde et tout à coup, la simplicité vous saute aux veux. Daisy Lamothe est une cinéaste qui partage son écoute, sa vision et je me mets à aimer le sport, tous les sports pour peu que comme pour Envol, la quête d’absolu soit au cœur de ce qui porte chaque être humain

LE CANARD ENCHAINE 17 Février 2021 (rubrique à voir) Les remontées mécaniques des stations de sports d’hiver ont beau être fermées, la possibilité de tutoyer le ciel reste ouverte. Il suffit de se replonger dans ce documentaire enchanteur de la française Daisy Lamothe, sorti en 1994, sur … le saut à ski. Parce que ce sont ses adeptes qui en parlent le mieux, la réalisatrice donne la parole à un groupe de champions en herbe, tous étonnants de maturité. L’un décrit la plénitude à laquelle il parvient quand il sent ses skis vibrer dans le vide et son désarroi lorsque les lois de la gravité le font redescendre. L’autre insiste sur cette seconde où plus rien n’existe sinon la communion d’un corps avec l’air : l’envol. Entre deux témoignages des images pleines de grâce d’hommes-oiseaux en quête du geste parfait. C.B.

STEPHANE KHAN, chroniqueur, programmateur agence du court-métrage, 2024

Documentaire sur le saut à ski, Envol est en fait bien plus que cela, à savoir un étonnant portrait pluriel de jeunes athlètes auxquels la réalisatrice laisse la parole (in ou off) pour qu’ils s’expriment sur ce moment précis du saut, de l’impulsion, sur la sensation de l’envol, ce moment éphémère où ils tutoient les cimes et l’irréalité du vol, rêve d’Icare enfin réalisé… pour quelques secondes seulement. Précisons : nous sommes en 1993, au cinéma et pas à la télévision, c’est-à-dire à mille lieues du commentaire sportif et des discours publicitaires formatés. Surtout, c’est la grande singularité de ce film éminemment collectif, ces garçons ne font qu’un pour dire ces sensations. On ne connaîtra pas leur histoire, leur prénom, leur itinéraire, leurs goûts. Zéro storytelling ici car le plus beau dans Envol c’est bien la simple expression, par les mots (leurs mots !), de la fugacité du vol. Le fait qu’ils arrêteront, encore très jeunes, du jour au lendemain, renvoyant l’exploit physique à de strictes réminiscences sensorielles, à de simples souvenirs d’une pratique exigeante mais comme déjà achevée, déjà regrettée. Il y a, dans les propos recueillis par la cinéaste, la formulation infiniment douce d’une sensation précieuse et rare que seule – paradoxe à méditer – l’introduction des sponsors et de la compétition permet de faire perdurer. Dans ce constat, le film dit aussi beaucoup sur les athlètes et sur le sport, opposant la beauté du geste (et sa gratuité) à la rationalisation induite par le caractère compétitif et médiatisé de l’épreuve… Envol sublime l’événement sportif tel qu’il peut être habituellement retransmis en le filtrant à la lumière du septième art et de la subjectivité. Effet récurrent du son des skis glissant sur le tremplin et permettant de différer l’apparition du sauteur dans le plan ; cadres fixes admirablement composés dans lesquels des lignes dynamiques aux tracés géométriques viennent déchirer la diagonale de l’écran et la beauté du paysage montagneux ; noir et blanc détachant les silhouettes des skieurs sur fonds de ciels et de nuages ; le tout instillant poésie et grâce dans le prosaïsme de la captation sportive ; en un mot, autant d’éclats formels sidérants qui assurent à Envolsa belle pérennité. Mais surtout il faut s’arrêter sur l’usage du ralenti qui, ponctuellement, vient magnifier (esthétiser, oui, peut-être…) les sauts. Loin d’être gratuit, le procédé illustre par un fécond paradoxe tout ce que le cinéma et ses outils tentent d’apporter ici au sport. Ralentir, donc, suspendre le temps, donner un peu de durée à ce qui n’en a presque pas (le saut durant en réalité de 6 à 10 secondes). Non pour mieux (re)voir une action et la juger (réflexe télévisuel que l’on laissera à tant d’autres disciplines), mais bel et bien pour amplifier par l’image la poésie concrète des témoignages oraux. C’est, en d’autres termes, à cet endroit précis que la cinéaste exerce son pouvoir : arrêter le temps et faire don à ces jeunes – malgré l’abstraction du noir et blanc et l’anonymat du plan large – de ce moment de (en) suspension qui toujours finit par leur échapper. À l’heure où l’on ne cesse, dans le sport (ou dans ses déclinaisons vidéoludiques), de parler d’immersion ou de fantasmer la VR et les caméras embarquées, les places précisément choisies par le chef opérateur et par la cinéaste – en dehors de l’action, loin des skieurs, donc, pour mieux voir et mieux embrasser – traduisent aussi le constat lucide que l’on ne peut définitivement être à leur place et que seuls leurs mots, si sensibles, touchent la vérité de leur expérience. La beauté d’Envol réside sans doute là, dans sa manière de ne jamais vouloir faire exploit (ou sensation), mais de trouver la place idéale du cinéma (et de la caméra) à la faveur d’un point de vue inattaquable

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